Interview de Bérangère Lefebvre – Tax Manager chez TotalEnergies

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  • Pouvez-vous nous parler de votre parcours professionnel à l’issue de votre diplomation du Master 221 Fiscalité de l’entreprise ? 

Oui bien sûr. J’ai été diplômée en 2002 et j’ai effectué mon stage de fin d’études chez JP Morgan Chase Bank. Par la suite, j’ai passé deux ans dans cette banque en tant que fiscaliste généraliste tout en montant en compétence sur les sujets de TVA bancaire. 

J’ai été ensuite recrutée à l’époque par le groupe Thomson (maintenant Technicolor). J’y suis restée neuf ans et j’ai occupé deux postes différents : un poste de fiscaliste en charge de la zone Europe du régime spécifique du Bénéfice Mondial Consolidé en vigueur à l’époque ainsi que des problématiques de TVA du fait de mon expérience acquise précédemment en la matière ; puis vers 2007-2008, j’ai créé un pôle TVA au sein du groupe. Pour moi c’était un vrai défi, car j’ai toujours aimé partir d’une « feuille blanche » et construire quelque chose de nouveau. Je me lançais ainsi dans une spécialisation fiscale.

  • Plutôt spécialiste ou généraliste ? 

C’est la grande question ! Je fais partie de l’APTE (Association des Praticiens de la TVA Européenne), qui comprend une cinquantaine de praticiens en France et qui m’a permis de me constituer un réseau avant de rejoindre la Compagnie TotalEnergies dans l’optique de me déspécialiser. Cela fait neuf ans maintenant que je suis chez TotalEnergies. J’y suis entrée en tant que fiscaliste généraliste au sein de la branche industrielle Raffinage-Chimie. En cinq ans, j’ai dû gérer de nombreux contrôles fiscaux, faire face aux évolutions technologiques de la fiscalité et prendre en charge notamment les sujets de TVA du fait de mon expérience passée que je pouvais encore valoriser dans ce poste. Mes aspirations désormais sont davantage axées sur la déspécialisation.

  • Quels sont vos conseils pour les fiscalistes qui rentrent sur le marché du travail ?

Dans l’entreprise, il faut toujours avoir un coup d’avance et réfléchir au poste d’après, afin de construire une vraie cohérence de carrière.

Au bout de ces cinq années très enrichissantes au sein de la branche Raffinage-Chimie, j’avais une idée de poste futur à pourvoir. Personnellement, j’ai toujours aimé les systèmes d’informations et constater leurs incidences concrètes sur le business. La directrice fiscale de la Compagnie m’a donné alors l’opportunité en 2019 de lancer un projet de digitalisation de notre fonction fiscale, après 6 mois de benchmark et de construction d’une feuille de route sur 3 ans.

Les fiscalistes qui rentrent sur le marché du travail doivent donc faire preuve d’une grande adaptabilité et flexibilité car le monde bouge ! Les systèmes d’informations sont au cœur de la réflexion fiscale de demain.

A partir du 1er juin 2022, j’évolue vers de nouvelles fonctions au sein de la direction fiscale de la holding de la Compagnie en prenant la direction de l’équipe Intégration fiscale et Supports (CBCR, future déclaration GloBE…). Je ne traiterai plus de problématiques de TVA après toutes ces années de spécialisation. J’emporte également dans cette nouvelle équipe mon projet de digitalisation qui ne cessera de grandir et de s’étoffer avec les années et challenges à venir !

  • On entend souvent que la concurrence en entreprise est de plus en plus rude et avoir le CRFPA permet « d’attester » de son niveau en droit en plus du diplôme de Master 2. Etes-vous d’accord avec cette affirmation ?

Je n’ai malheureusement pas fait le choix du CRFPA il y a 20 ans ; j’avais directement intégré le monde de l’entreprise après le 221. A mon époque et à la différence de la vôtre, seulement 50% des effectifs du 221 tentaient le CRFPA. Avec du recul, je me rends compte que c’est un vrai « plus », même pour travailler en dehors d’un cabinet. Aujourd’hui si c’était à refaire, je n’hésiterais donc plus à le passer. Beaucoup d’avocats rejoignent les entreprises après quelques années passées en cabinet, ce qui constitue une expérience fortement recherchée et valorisée.

  • Et pensez-vous que qu’il est important de bien connaitre le secteur d’activité dans lequel on travaille quand on est fiscaliste ? 

Quand je suis entrée au sein de la branche Raffinage-Chimie de la Compagnie TotalEnergies, j’ai eu l’opportunité de pouvoir me déplacer dans les sites industriels, lors des contrôles fiscaux. C’est indispensable de comprendre concrètement tous les « à-côtés » de la fiscalité pour performer dans ce que nous faisons. 

Selon moi, un fiscaliste efficient, quelle que soit sa spécialisation, n’est pas uniquement un expert dans son métier. C’est quelqu’un qui sait s’ouvrir sur le monde environnant, qui comprend extrêmement bien son business, les enjeux stratégiques et environnementaux de son groupe parce que c’est un métier qui est à la convergence de plusieurs autres. De plus, quand on est fiscaliste, on a besoin de compétences autres que fiscales, à savoir des connaissances en comptabilité consolidée (IFRS…) et sociale, en finance, en systèmes d’informations. Le fiscaliste doit donc être ouvert sur le monde à la fois de son entreprise (les autres départements) et sur le monde externe, en faisant preuve de toujours plus de curiosité. 

  • Comment en êtes-vous venue à enseigner chez nous ?

J’ai appris à aimer la TVA sur le terrain, lors de mes premières expériences professionnelles. De plus, je suis restée très attachée à Dauphine, ayant fait toutes mes études là-bas. J’ai toujours été convaincue qu’il serait intéressant de garder un pied dans l’enseignement et de partager ma vision concrète de la TVA aux étudiants.

Au départ, j’ai voulu présenter mon métier par le biais d’une conférence au sein du 221. Cela a duré plusieurs années puis je me suis proposée de créer un module axé sur la TVA vue sous l’œil du praticien d’entreprise parce que les étudiants accrochaient bien et que mon quotidien était passionnant. Dans mon cours, j’ai toujours essayé d’avoir une approche pratique de la matière.

Néanmoins, 2021 a été ma dernière année d’enseignement au sein du 221 en TVA, puisqu’avec mes nouvelles fonctions je vais sortir de la « sphère TVA » et ne serai donc plus légitime pour l’enseigner. Mais pourquoi pas, un jour, créer un nouveau cours sur le domaine de la digitalisation quand on voit le tournant que la fiscalité opère dans ce domaine ? Mais disons qu’à ce stade, c’est une page qui se tourne en TVA. 

  • Pensez-vous que le Master 221 prépare bien à l’insertion professionnelle ?

C’est évidemment une très bonne formation. Le point fort du Master provient de l’intervention de professionnels, aussi bien du monde de l’entreprise que du cabinet. C’est un Master très transverse, très complet avec une dimension française et internationale ; tout type d’impôt est étudié.

Quand j’ai commencé ma vie professionnelle, je me suis sentie à l’aise et avec de bonnes bases notamment grâce à mon bagage comptable et financier de Dauphine, mais surtout grâce à l’enseignement pratique du 221. 

  • Que pensez-vous du réseau 221 ? 

Le réseau 221 aide clairement. Le réseau est primordial dans la réussite de toute carrière professionelle. Néanmoins le réseau de sa formation n’est pas le seul levier sur lequel s’appuyer. Le réseau des fiscalistes d’une manière générale est indispensable, notamment via les associations professionnelles ; le réseau des professionnels au sein de son cabinet ou de son entreprise est également clé. N’hésitez pas à passer du temps à construire vos réseaux pour votre réussite future. C’est du temps de gagné pour après et surtout la perspective de belles opportunités.

  • Une dernière recommandation ? 

Une recommandation que je peux vous faire est de vous ouvrir aux systèmes d’informations. L’ouverture du fiscaliste vers ces derniers reste encore trop embryonnaire en France. Ils sont en train de révolutionner complètement la fiscalité. Demain, les factures seront dématérialisées, l’administration fiscale aura accès à vos données en temps réel. N’ayez donc pas peur de vous y intéresser même si cela vous parait éloigné de notre cœur de métier traditionnel et qui pourtant demain sera essentiel si nous souhaitons bien réussir notre expertise. Même en cabinet, il faudra comprendre tous les enjeux digitaux de vos clients pour les conseiller au mieux. 

L’adaptabilité, la flexibilité et la créativité sont donc les clés pour une vie épanouie de fiscaliste.

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