Entretien avec Nicolas Kazandjian, avocat directeur, TAJ Société d’Avocats

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Pouvez-vous décrire votre cursus ? Quel a été selon vous la valeur ajoutée du 221 ?

J’ai eu un cursus classique : maîtrise en droit des affaires et fiscalité, des stages en cabinet, puis le DESS 221. De ce que je me rappelle, le Master (ex DESS) avait une approche théorique très bonne avec de très bons enseignants et intervenants d’horizons divers. La formation axait sur deux points clefs : le travail en équipe et l’aspect pratique.

Nous avions, à titre d’exemple, un intervenant inspecteur des finances qui nous faisait travailler sur des notifications de redressements. De manière générale, il y avait beaucoup de mises en situation, travaux et cas pratiques en équipe. Je pense que c’était très important d’avoir cette approche en termes de formation pour débuter par la suite en cabinet et être opérationnel rapidement.

Même s’il faut « être dans la place » pour se rendre compte du travail en cabinet d’avocat, il est essentiel d’arriver en sachant déjà se débrouiller sur des situations concrètes.

Enfin, un autre aspect très important : le réseau, qui se construit dès le début de sa carrière. C’est devenu un point essentiel et à l’époque, ce n’était pas quelque chose de très développé. Mais maintenant, le Master l’entretient bien.

Vous êtes spécialisé et intervenez principalement en matière de TVA, fiscalité indirecte et douane : qu’est-ce qui vous intéresse particulièrement dans cette branche et pourquoi l’avoir choisie ?

Ce n’était pas un choix, c’est une opportunité qui s’est présentée à un moment précis. A la sortie de mes études, j’ai dû envoyer pas mal de CVs et enchaîner des entretiens dans divers cabinets. Deloitte & Touche Juridique et Fiscal (à ce jour Taj, Société d’avocats) m’a fait une offre dans le département TVA/Douane après un entretien qui s’était bien déroulé, le courant étant bien passé avec les personnes que j’ai rencontrées. Je me suis présenté à l’entretien sans trop de conviction mais il fallait se lancer. La TVA ne m’était pas inconnue et les personnes que j’ai rencontrées ont aiguisé ma curiosité : je me suis dit pourquoi pas et j’ai donc saisi cette opportunité !

C’est donc une discipline que j’ai appris à connaître et qui est très riche, avec beaucoup de sources  (européenne, bientôt mondiales via l’OCDE) et d’interactions avec les autres matières du droit et de la fiscalité (par exemple, les prix de transfert). Et c’est une discipline concrète, qui touche aux flux de l’entreprise, ce qui permet de bien connaître la vie des entreprises. Il est vrai qu’on peut considérer que je me suis un peu enfermé en faisant de la TVA, car c’est une branche un peu à part, mais j’essaye de couvrir le plus de secteurs d’activités possible et d’être généraliste en la matière pour voir tous ses aspects. Je fais à l’heure actuelle tous types de missions possibles : consultation, contrôle fiscal et contentieux, due diligence, compliance, etc. Il est important d’explorer tous les aspects du métier.

Enfin, la TVA permet de confronter les idées et d’échanger: il y a beaucoup de situations où il n’y a pas de réponse précise aux questions, ou au contraire il faut choisir entre plusieurs solutions. Or, c’est le plus souvent en discutant avec mes collègues que je me forge une opinion. Ce n’est pas une position d’un seul homme mais d’une équipe, ce qui est particulièrement enrichissant.

Le 221 dispense un cours en TVA très axé sur la pratique des professionnels, comme les opérations « triangulaires ». Quelles problématiques intéressantes rencontrez-vous en la matière ?

Vous citez les « triangulaires », qui sont des situations vues très fréquemment dans notre métier. Deloitte étant un réseau international de fiscalistes, il ne s’écoule pas une semaine sans que l’on soit être interrogé par des collègues exerçant dans d’autres pays de l’UE sur ce sujet précis (par exemple, sur les effets de l’utilisation de certains incoterms quant au régime de simplification, etc.). C’est donc clairement un « plus » d’avoir déjà eu un aperçu en Master de ce genre de problématique complexe et très fréquente.

Vous travaillez depuis 8 ans maintenant au sein de Taj Société d’avocats, un des « Bigs » : qu’est ce qui vous a donné envie d’exercer dans ce type de structure plutôt qu’un cabinet classique?

J’ai eu l’occasion de faire mes premières armes via des stages chez les « Lawyers » à l’époque et je n’avais pas encore cette vision des « Bigs ». J’ai effectué des stages chez Coudert Frères ainsi que chez Salans Hertzfeld & Heilbronn, en fiscalité générale, dans le milieu des années 90. Ces expériences ont été enrichissantes car elles m’ont permis de travailler sur de nombreux sujets en fiscalité des entreprises et personnelle. Mais je me suis aperçu à l’époque que la fiscalité n’était pas forcément très bien considérée dans ces cabinets, les matières juridiques faisant leur renommée. Les fiscalistes avaient donc du mal à se faire reconnaître au sein du monde juridique. Mais les choses ont bien changé depuis ! Cela montre à quel point la matière a pris une place incontournable de nos jours.

Toujours est-il qu’à l’époque, passer par un « Big » (ou d’autres cabinets entièrement dédiés à la fiscalité) permettait de faire ses armes en la matière et d’acquérir une excellente formation, ce qui est toujours le cas.

Souhaiteriez-vous à l’avenir tenter une expérience ailleurs?

J’ai saisi à l’époque cette opportunité chez Deloitte –Taj et voilà plus de seize and que j’y suis et que je m’y plais. Bien évidemment, cela ne signifie pas que je ne retournerai jamais au sein d’un « Lawyer », même si c’est un mode de vie différent de celui des « Bigs ». Je pense pouvoir me réadapter et donc je ne ferme pas la porte si jamais une opportunité se présente mais pour le moment je me sens bien là où je suis.

Quelle visibilité du Master 221 avez-vous aujourd’hui ? Vous sentez vous toujours en contact avec la formation ?

Pas trop. J’avoue être assez occupé et je n’ai pas été forcément en relation avec le Master. Mais je loue les efforts qui viennent du Master pour rassembler les membres de son réseau. Comme je l’ai dit plus haut, il est essentiel de rester connecté, d’avoir des informations sur les uns et les autres, d’avoir un canal pour les opportunités, etc.

Souhaiteriez-vous vous investir dans le Master ? (interventions, cours, participer aux « Afterworks des anciens »…)

Oui, je suis ouvert à cette possibilité et je trouve que c’est une excellente idée (j’ai bien évidement eu l’occasion d’animer des formations en troisième cycle, ainsi que pour des organismes et des clients). Je serai ravi également de recevoir des CVs de candidats stagiaires venant du 221 pour mon département TVA / douane et d’autres lignes de service.

Quels souvenirs gardez-vous du Master et de votre promotion ?

A l’époque il y avait beaucoup d’entraide. Par exemple, je me souviens ne pas avoir été à l’aise en TVA, (rires) et 2-3 camarades et moi-même faisions des « séances de rattrapage » afin de clarifier certains points. Il n’y avait pas de compétition ou de mauvais esprit entre les étudiants, l’atmosphère était sérieuse tout en restant bon enfant. Il y avait donc une très bonne entente et beaucoup de solidarité.

Si vous deviez résumer le Master en 3 points, lesquels privilégieriez-vous ?

Je mettrais en avant la qualité des intervenants, le bon esprit véhiculé, et la volonté de dispenser une formation pratique, qui est un plus lorsqu’on arrive dans le monde du travail.

Quelles qualités attendez-vous d’un étudiant qui effectuerait un stage au sein de votre département?

Comme nous sommes une grande structure et hiérarchisée, un étudiant peut se sentir perdu rapidement et rester dans son coin sans réellement s’être fait connaître. Il faut donc dès le début se faire connaître !  Pas d’excès d’orgueil bien entendu, mais il faut montrer sa motivation, venir spontanément à la rencontre  de toutes les personnes qui donnent du travail (si ces dernières ne le font pas spontanément) et communiquer régulièrement avec elles.

C’est très important d’organiser un suivi régulier de ce qui va ou ne va pas avec les personnes qui vous confient des tâches à accomplir : cela permet de voir les axes à améliorer.

Un mot clef est donc la communication. Il faut adopter dès le début un bon mode de communication avec son entourage professionnel. Souvent, un jeune stagiaire rendra un travail et on en entendra plus parler, jusqu’au travail suivant. J’attends qu’il y ait un retour spontané de sa part, qu’il ne se comporte pas comme simple exécutant, mais qu’il montre son intérêt pour le traitement des dossiers confiés et leur suivi.

Quels conseils en matière de choix de carrière ou autre donneriez-vous aux étudiants de la formation?

Il faut diversifier les expériences (cabinet, entreprises, etc.), de manière à choisir le métier dans lequel on se sent le plus confortable. On ne peut pas exercer un métier sans l’aimer. Il ne faut pas trop privilégier l’argent au début (rires) ; il viendra en temps voulu. Bien sûr il y a des expériences plus rémunératrices que d’autres mais cela ne doit pas être un but.

La priorité, c’est de se faire plaisir, diversifier les expériences pour trouver sa voie. C’est quelque chose dans l’ère du temps je pense, en effet les jeunes maintenant peuvent s’adapter facilement et rapidement à de nouveaux environnements, ce qui permet de tester avant de se fixer.

Vous a-t-on présenté, dans le cadre du 221, l’univers des cabinets d’avocats justement ?

Non, je ne m’en souviens pas. Cela fait sans doute partie des bonnes initiatives qui ont été prises.

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